Comment réagir aux propos suicidiaires d'un autre agriculteur
Hier, en rentrant d’une réunion de Cuma, mon voisin a tenu des propos inquiétants sur son métier et sur lui. Je l’ai trouvé très tendu. Dans notre secteur, deux agriculteurs se sont suicidés en 2015-2016. Je sais que je dois réagir, mais comment ? Les réponses du docteur Dewi Le Gal, psychiatre au CHU d’Angers (1).
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« Le risque de suicide est présent dans tous les métiers où il y a une menace d’épuisement physique et/ou psychique. Vous parlez des agriculteurs ; on peut aussi évoquer les policiers, les soignants et les personnes âgées, les plus en danger.
Les conduites suicidaires témoignent d’une souffrance. Les patients que je reçois en consultation après une tentative de suicide disent tous la même chose : ils n’ont pas voulu mourir, mais souhaité qu’une souffrance s’arrête. Celle-ci est repérable à partir de signes que l’on classe par couleur : jaune, rouge et noir. Les signes jaunes correspondent à une rupture avec l’état habituel : on ne reconnaît plus la personne, elle n’est pas comme d’habitude. Un peu comme votre voisin ! Les signes rouges, ce sont les propos suicidaires : la personne exprime son intention « d’en finir ». Lorsque ces paroles s’accompagnent d’un sentiment d’urgence et de comportements préparatoires, on bascule dans le noir.
Il faut avoir en tête que la crise suicidaire est un processus dynamique : les signes s’accumulent et à un moment donné, un facteur va précipiter le passage à l’acte. Mais c’est aussi une situation réversible, ce qui signifie qu’il y a toujours une possibilité de ramener — progressivement et par palier — la personne à son état de base.
Soyons clairs, nul n’a envie d’entendre de la part — d’un proche ou d’un collègue — des intentions suicidaires. Mais comme on porte secours à quelqu’un qui subit un malaise cardiaque, on doit — tout aussi spontanément — secourir celui qui va mal. Alors quoi faire ? D’abord, bien se positionner. En tant que proche/collègue, vous êtes dans la place de l’aidant ; pas dans celle du soignant ! Quand on reçoit la parole de quelqu’un qui souffre, il faut l’accueillir — ne pas tomber dans le « Ne t’inquiète pas, ça ira mieux demain ! » — Et se tourner vers d’autres personnes, par exemple le médecin traitant.
Contrairement à une idée reçue demander clairement à quelqu’un s’il pense au suicide ne l’incitera pas à passer à l’acte. Mais si vous êtes inquiet, appelez le 3114, le numéro national de prévention du suicide. Ouvert 7 J/7 et 24 h/24, il s’adresse aux personnes en souffrance comme à leur entourage. Au bout du fil, il y a des professionnels. En situation de très forte inquiétude, contactez le Samu (15 ou 112). Plus largement, quand on parle de prévention du suicide, la formation (2) est essentielle et c’est le seul moyen pour commencer à être à l’aise dans ce type de situation ».
(1) Le docteur Le Gal est intervenu, le 17 octobre 2023, lors de la conférence « Prévenir le suicide », organisée par la MSA 49. (2) Se rapprocher de votre caisse de MSA (dispositif Sentinelles).
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